Observer, contrôler et analyser les comportements n’ont jamais été aussi aisés qu’aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, les avancées technologiques se sont accélérées, jusqu’à favoriser une révolution sociétale : la surveillance ciblée s’est transformée progressivement en une surveillance de masse à l’échelle planétaire.
Jadis concentrée sur l’espace public, elle pénètre désormais notre vie privée. L’intimité est une notion de plus en plus floue, soumise à des attaques de moins en moins détectables.
Plus sournois que les caméras de surveillance dont beaucoup aimeraient qu’elles couvrent chaque angle mort de l’espace public, le « regard invisible » joue les passe-muraille : jeux vidéo connectés, activité sur les réseaux sociaux, requêtes sur les moteurs de recherche ou géolocalisation via nos smartphones sont autant de constituants manipulables de notre seconde identité – l’alter ego numérique.
Le Prétexte des Jeux Olympiques
Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 sont l’occasion idéale pour tester et instaurer des systèmes de surveillance sophistiqués sous le prétexte de la sécurité. La loi adoptée permet l’expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique avant, pendant et après les Jeux. Cette mesure, bien que temporaire en théorie, risque fort de s’inscrire dans la durée, créant un précédent pour une surveillance permanente.
Les systèmes de vidéosurveillance algorithmique utilisent des algorithmes pour analyser les images des caméras, détectant des comportements jugés suspects. Ces technologies, déjà en place dans certaines villes, s’avèrent de plus en plus intrusives. Elles représentent une menace pour la vie privée, transformant chaque citoyen en un potentiel suspect.
La Transformation de l’Espace Public et Privé
Cette surveillance ne se limite plus aux espaces publics. Elle envahit progressivement notre vie privée.
En fournissant, souvent sans y consentir ni en avoir conscience, un nombre important de données via les jeux vidéo connectés, les réseaux sociaux, les requêtes sur les moteurs de recherche ou la géolocalisation via nos smartphones, le citoyen devient l’enjeu d’une bataille politico-économique sans précédent.
Les multinationales du web, les gouvernements et les défenseurs des libertés individuelles s’affrontent sur ce terrain glissant.
Vers une Surveillance Permanente : Les Enjeux de la Vidéosurveillance Algorithmique
La légalisation de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 marque une étape inquiétante vers une surveillance permanente. Concrètement, des caméras dopées à l’intelligence artificielle analysent en direct les mouvements des individus, un processus automatisé par des algorithmes. Cette technologie, rendue légale par la loi pour les JO 2024, soulève des préoccupations pour la vie privée et les libertés individuelles.
D’une part, le recours à des algorithmes pour surveiller en direct les comportements des individus implique une collecte de données personnelles préoccupante, remettant en question le respect du droit à la vie privée. Toute surveillance dans l’espace public constitue une ingérence dans ce droit, qui doit être justifiée par une nécessité et une proportionnalité.
D’autre part, cette technologie peut avoir un effet dissuasif sur les libertés, incitant les individus à modifier leurs comportements par crainte d’être surveillés. Cette auto-censure menace la liberté d’expression et d’association, essentielles dans une société démocratique.
La légalisation de la VSA en France, une première au sein de l’Union européenne, soulève des questions éthiques concernant le ciblage des groupes marginalisés et le risque de pérennisation des mesures d’exception. Ces enjeux ont des implications internationales pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales, suscitant des inquiétudes quant à l’évolution vers une société de surveillance généralisée.
La Chine, un modèle de société de surveillance sans l’avouer ?
La Chine est déjà très avancée dans le domaine de la surveillance de masse. Avec des technologies telles que la reconnaissance faciale et la collecte de données à grande échelle, elle a instauré un système de contrôle social sans précédent. Les expériences menées en Chine servent de modèle à d’autres pays, y compris en Europe, où les dispositifs de surveillance se multiplient. Les JO 2022 à Pékin ont été un exemple frappant de l’intégration de la technologie de surveillance dans un événement sportif mondial.
A Regarder >Doc sur le crédit social
La Chine a instauré un système de crédit social où les citoyens sont notés en fonction de leur comportement, récompensant les bons citoyens et punissant les mauvais. Ce système repose sur la collecte massive de données personnelles, permettant aux autorités de contrôler et d’évaluer chaque aspect de la vie des individus. En Europe, notamment en France, des mesures similaires se profilent, notamment avec l’adoption de la vidéosurveillance algorithmique (VSA), légalisée dans le cadre de la loi JO 2024.
Dans les deux cas, la surveillance est justifiée au nom de la sécurité et de la préservation de l’ordre social, mais elle entraîne une intrusion majeure dans la vie privée et remet en question les libertés individuelles. Comme en Chine, où le système de crédit social influence la vie quotidienne et limite les libertés des citoyens, la VSA en France pourrait conduire à une société où chaque mouvement est scruté et jugé, menaçant ainsi les fondements d’une société démocratique.
Le parallèle entre ces deux approches soulève des préoccupations quant à la dérive vers une société de surveillance généralisée, où les individus sont soumis à un contrôle omniprésent et où la dissidence est réprimée. Il est essentiel de rester vigilant face à ces tendances et de défendre les principes démocratiques et les droits fondamentaux face à la montée de la surveillance gouvernementale.
Bien que la vie privée soit menacée par la surveillance généralisée, des actions peuvent être entreprises pour la protéger. Sensibiliser le public, renforcer la réglementation et promouvoir des technologies respectueuses de la vie privée sont des mesures essentielles. Il est impératif de défendre les principes démocratiques et les droits individuels contre toute forme de surveillance abusive.
En agissant collectivement et en restant vigilants, il est encore possible de préserver la vie privée malgré les défis posés par l’ère numérique.